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COMMANDE PUBLIQUE

Publié le : 11/09/2023

Marchés publics et conditions générales de vente (CGV) du titulaire

Plantons le décor : En pleine exécution d’un marché public que vous venez de notifier, votre titulaire vient vous voir avec une demande de révision de prix exceptionnelle. Vous refusez. Il sort ses CGV. Vous souhaitez résilier. Il sort ses CGV (Bis repetita)…

Qui de lui ou vous a raison ? Les CGV d’une entreprise sont-elles opposable à l’acheteur public ? Si oui, dans quelles mesures ?

L'utilité des conditions générales de vente

Les conditions générales de vente (CGV) sont la base des « négociations commerciales » selon le code de commerce (Articles L.441-1 et suivants du code de commerce). Obligatoires dans les relations entre professionnels et particuliers, elles peuvent l’être dans les relations entre professionnels dès lors que l’autre partie en fait la demande.

Dans le cadre des marchés publics, il n’est donc pas rare de voir un titulaire référencer ses CGV au sein de son offre, qu’il s’agisse d’une procédure négociée sans publicité ni mise en concurrence ou d’un procédure adaptée / formalisée.

La question : Peut-il opposer ses CGV à l’acheteur public ?

L'applicabilité des CGV dans le cadre des marchés publics

Nous le savons, et de manière assez claire, des CGV tacitement acceptées engagent l’acheteur public et le tiennent en tant qu’élément contractuel si les CGV ont été inclues dans le champ du contrat (CAA Nancy, 1re ch. – formation à 3, 2 avr. 2015, n° 14NC01916) :

« 7. […] En conséquence, les résiliations des contrats prononcées par la société Grenke Location, qui entraient dans le cadre de l’article 12 des conditions générales des contrats, étaient régulières. Par suite, c’est à bon droit que les premiers juges ont appliqué ces stipulations pour statuer sur les conclusions de la société Grenke Location.« 

Ainsi, l’acheteur qui les accepte tacitement doit les appliquer ! Le plus souvent elles se trouvent annexée à l’offre du titulaire… offre que l’acheteur public référence dans les conditions contractuelles…

Pis encore est le cas où l’acheteur public, choisissant l’efficacité, signe directement le contrat proposé par le titulaire…. Ici, c’est une acceptation expresse !

Comment s’en prémunir ?

La gestion des conditions générales de vente

Deux cas de figure sont à distinguer :

  1. Celui où l’acheteur a lancée une consultation et a rédigé ses propres pièces,
  2. Celui où il signe directement les documents du titulaire

Dans le second cas, les CGV sont totalement applicables il conviendra d’en voir les limites. 
Dans le premier, il faudra distinguer :

Deux options s’offrent à l’acheteur dans le cadre d’une consultation pour se sécuriser :

En premier lieu, il peut insérer un article « Priorité contractuelle » soigneusement rédigé afin de reléguer l’offre du titulaire et ses CGV au dernier rang. Pas de panique, si vous avez référencé un CCAG, un tel article existe déjà pour vous :

Ici, avant de pouvoir appliquer une clause des CGV du titulaire il faudra vérifier que ladite clause n'est pas en contradiction avec tous les autres documents situé au dessus dans le classement

Bien que cela soit utile et protecteur, une telle pratique conduit à vérifier péniblement article par article de chaque document pour en vérifier l’applicabilité, outre les tensions que cela peut générer. De même, il se peut qu’une clause des CGV soit applicable…

Pour ces raisons, nous lui préférons la seconde option.

En second lieu, l’acheteur public peut insérer directement une clause de non applicabilité des CGV au sein de son contrat pour se protéger :

Ici, la dernière phrase de l'article 2 indique clairement la non opposabilité des CGV

En pareil cas, le titulaire ne pourra élever aucune contestation. Ses CGV ne seront pas applicables.

Reste que dans bien des cas l’acheteur public signe des contrats fournis par le titulaire lui-même…

Les limites des conditions générales de vente

Si vous avez signé un contrat type du titulaire, sans fournir vos propres documents contractuels, ou alors que par le jeu des priorités contractuelles le CGV s’appliquent en totalité, vous vous trouvez dans le cas où les seules dispositions contractuelles sont les CGV… 

Quelles sont alors les principales limites à ces CGV ?

Dans tous les cas, il faut revenir à l’idée que quel que soit le mode de passation et le support contractuel (contrat type du titulaire ou acte d’engagement avec CCAP), ce contrat reste une prestation fournie, en contrepartie d’un prix, pour répondre au besoin d’un acheteur public ; C’est un marché public au sens du code de la commande publique (Article L.1111-1 du code de la commande publique).

Ce faisant, et c’est ce que beaucoup de titulaire oublie : Il s’agit d’un contrat administratif (Article L.6 du code de la commande publique)

Un régime particulier s’applique donc. En voici deux exemples :

 

1- Pouvoir de résiliation unilatérale pour motif d’intérêt général au profit de l’acheteur public :

S’agissant d’un contrat administratif, l’acheteur public dispose toujours d’un pouvoir de résiliation unilatérale pour motif d’intérêt général, indépendamment des clauses (Article L.6 du code de la commande publique).

Ainsi, indépendamment des CGV, l’acheteur public peut résilier le contrat.

Reste que, une telle faculté implique des conséquences sur les indemnités de résiliation…

 

2- Interdiction des libéralités :

Nous l’avons vu, l’acheteur public peut résilier de manière unilatérale. Une telle faculté emporte un droit à indemnisation pour le titulaire. Et, s’agissant du montant, s’il est encadré par les CGV, il faudra le limiter au titre de l’interdiction des libéralités. De manière concrète, cela signifie que l’acheteur public ne peut payer plus que ce qu’il ne doit. Ainsi, en cas de recours à la faculté de résiliation pour motif d’intérêt général, si les CGV peuvent encadrer le montant à verser par l’acheteur, ce montant ne saurait être déraisonnable (CAA Versailles, 5e ch., 25 juill. 2019, n° 18VE02499-18VE04117-18VE03809) :

Si les CGV ne prévoient rien, il faudra tout de même penser à prévoir une indemnisation à hauteur « du bénéfice net attendu » (une attestation d’un commissaire aux comptes détaillant la marge bénéficiaire nette sera suffisant) + des dépenses certaines engagées pour l’exécution du marché.

Loin d’être étrangère à la commande publique, les CGV peuvent y trouver application, sans pour autant que cela soit à n’importe quel prix !